02/09/2014

Kenya: decades of integration efforts by refugees at stake

We would like to reproduce an article by James Stapelton, International coordinator at the Jesuit Refugee Service and Professor of Human Rights published in June 2014 on the situation of urban refugees in Kenya (see also our previous post on the same topic: Unlawful Refugees' transfer to violate human rights dating 22/01/2013).
The right to work and live a decent life of self- sufficient urban refugees is again at stake in Kenya...
JRS | KENYA: DES DÉCADES D’INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS MISES À MAL, publié le 20 août 2014

Article de James Stapleton, Coordinateur International de la Communication au sein du Service Jésuite des Réfugiés, et Professeur en Droits Humains au Centre John Felice de l’Université Loyola de Chicago, publié le 20 juin 2014 sur le site du JRS. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du JRS.

Imaginez qu’un matin en ouvrant le journal vous découvriez une histoire vous disant que vous devez emménager dans un camp de réfugiés. Après avoir fui votre maison et lutté pendant des années pour gagner votre vie au Kenya – apprendre la langue locale, intégrer le système éducatif – vous êtes à nouveau déplacé. Et cette fois-ci dans un lieu qui se trouve à 800 km en plein désert. Ceci s’est passé non pas une mais deux fois au cours des dix-huit derniers mois. 
La première directive du gouvernement kenyan issue en décembre 2012 qui ordonnait à tous les réfugiés urbains de vivre dans des camps, a surpris tout le monde. Ce pays qui accueille l’une des plus importantes communautés réfugiées du monde, a opté pour une approche relativement flexible en matière de politique relative aux camps.
La spirale des descentes de police, suivie l’an dernier par une décision de la Haute Cour annulant la directive, puis une autre directive issue à la fin du mois de mars de cette année, suivie elle-même par un seconde procédure d’appel de la Haute Cour, manifeste clairement le caractère imprévisible de la nouvelle politique. L’avenir des réfugiés devient lui-aussi imprévisible. Etant dans l’incapacité de renouveler leurs papiers, ils se trouvent dans une zone juridique «grise».
Les réfugiés fuient leurs pays à la recherche d’un lieu où ils pourront s’installer. La perspective de se trouver à nouveau déracinés est terrifiante.
Et pourtant, le gouvernement a été on ne peut plus clair ! C’est une partie des 55’000 réfugiés vivant en zones urbaines qui est considérée comme une menace pour la sécurité nationale.
«Pour raison de sécurité dans nos zones urbaines… les réfugiés vivant à l’extérieur des camps de réfugiés de Kakuma et de Dadaab sont priés de retourner immédiatement dans leurs camps respectifs. Aucun autre camp n’est concerné à l’extérieur de cette zone. Tout réfugié refusant de se conformer à cette directive tombera sous le coup de la loi. Par voie de conséquence, tous les centres d’enregistrement des réfugiés situés en zones urbaines … sont présentement fermés.»
Au cours des dix semaines qui ont suivi la première directive, Human Rights Watch a fait état de cas de torture, de viols, d’abus et de détention arbitraire concernant plus de 1000 réfugiés, pour la plupart originaires de Somalie et d’Ethiopie. La seconde directive a été nettement plus dure. Près de 4000 personnes ont été placées en détention, 400 autres ont été expulsées et 2000 autres envoyées dans des camps. Dans les deux cas, des accusations avérées de violence, de vols et d’extorsion à l’encontre des réfugiés ont été portées contre la police.
L’activisme
Les réseaux kenyans d’ONG ont intensifié leurs services de surveillance dans les principales zones urbaines. Le personnel, en étroite collaboration avec les leaders communautaires, se rend dans les commissariats de police pour faire libérer les réfugiés sans avoir à payer de pots de vin.
Une action juridique est à nouveau entreprise pour bloquer la mise en œuvre de la directive, même si rien n’est sûr quant à la durée. La dernière fois, l’ONG locale, Kituo Cha Sheria, en collaboration avec sept autres co-requérants, a réussi à démontrer que la directive allait à l’encontre de la Constitution kenyane et des conventions internationales sur les réfugiés. La politique n’avait pas pris en compte les diverses catégories de réfugiés résidant dans les zones urbaines.
Les co-requérants avaient tous habité Nairobi pendant quelques années, étaient auto-suffisants sur le plan économique et fortement enracinés dans le pays. Un groupe hétérogène composé de professionnels, d’hommes d’affaires et d’étudiants. Tous ayant des raisons différentes pour ne pas aller dans les camps. Certains craignaient la persécution, tandis que d’autres voulaient protéger leur gagne-pain ou garantir l’accès à l’éducation ou à des soins spécialisés
Tous avaient conscience de la situation dans les camps de Kakuma et de Dadaab: climat oppressant, surpopulation, carences en matière de services et d’opportunités d’emploi, insécurité, plus particulièrement pour les femmes et les fillettes.
La Haute Cour s’est déclarée en faveur de la situation présentée par Kituo. Une sorte de compromis ayant été trouvé, par exemple des critères clairs sur fond d’exception pouvant conduire à une atténuation du mouvement de réfugiés. Au lieu de chercher une voie moyenne, le gouvernement a publié une seconde directive.
Cette fois-ci, la situation est relayée par neuf hommes d’affaires somaliens qui représentent un groupe de 500 de leurs compatriotes réfugiés à Nairobi. Une fois de plus, ils ont démontré que leurs situations spécifiques n’avaient pas été prises en compte avant la publication de la directive. En dépit du fait qu’une injonction de la Cour a temporairement suspendu  les  expulsions jusqu’à un jugement définitif, les expulsions vers la Somalie et les réinstallations dans des camps ont continué. Le gouvernement semblant décidé à aller de l’avant, dans une approche uniforme.
Les cibles involontaires
Les Somaliens, qui représentent près de quatre-vingt pour cent des réfugiés vivant au Kenya, sont les plus touchés. Plutôt que d’aller dans les camps, on pense que 100’000 Somaliens sont rentrés chez eux. En dépit de l’insécurité dénoncée par le HCR, cette situation pourrait se reproduire.
Ceci dit, les réfugiés de toutes les communautés sont affectés. Un grand nombre d’entre eux a été forcé d’arrêter de travailler et même de fermer les entreprises. Les ONG fournissant les services ne savent pas trop comment réagir. La dernière fois, de nombreux donateurs ont considérablement réduit leurs dons, de peur que la fourniture de services aux réfugiés ne puisse pas durer.
Les opportunités en matière d’éducation et de soins destinées aux réfugiés ont encore diminué. En décembre 2012, plus de 7000 enfants étaient inscrits dans les écoles primaires de Nairobi soutenues par le Service Jésuite des Réfugiés, quelques mois plus tard, ils n’étaient plus que 4000.
Même si plus tard, les effectifs ont augmenté, la baisse demeure évidente. Quelque deux cents mineurs ont été séparés de leurs parents ou de leurs tuteurs qui se sont cachés ou qui ont été envoyés dans les camps. Les familles vivent, à juste titre, dans la peur. Nul ne sait ce qu’il adviendra de ces enfants; au mieux ils perdront de précieuses années de scolarité.
Aller de l’avant
Sans parler des craintes exprimées par la Cour, il reste à expliquer comme le gouvernement va gérer l’hébergement des réfugiés urbains dans les camps existants. Les deux camps, Dadaab et Kakuma, qui hébergent déjà quelque 550’000 réfugiés, sont surpeuplés et manquent de financement. Le financement n’a pas suivi les besoins, vu que le  nombre d’arrivées a quasiment doublé depuis 2008.
Avec l’augmentation rapide du nombre de réfugiés arrivant à Kakuma, il y a des besoins urgents à assurer en matière d’espace, d’infrastructures, de services et avant toute chose de protection. Etant donné le fait que la directive condamne un certain nombre de réfugiés économiquement auto-suffisants à dépendre de l’aide humanitaire, il risque d’être plus difficile de trouver des donateurs internationaux.
Bien que les politiciens kenyans semblent décidés à rapatrier les réfugiés somaliens, avec l’insécurité qui règne dans leur pays et l’engagement au retour volontaire, les rapatriements de masse ne sont pas à l’ordre du  jour. Les alternatives n’ont rien de réjouissant: augmentation du nombre des réfugiés vivant dans des camps en déliquescence ou intégration locale dans des zones urbaines.
Comme le montre bien la situation portée devant la Haute Cour, les réfugiés contribuent de manière positive à la société kenyane. Mais les expériences récentes ont amené un grand nombre à prendre conscience de la fragilité de leur situation.  Nous avons tous besoin de sécurité et de stabilité. Comment s’intégrer dans une société qui n’offre aucune garantie pour votre avenir?

Les Kenyans accueillent généreusement l’une des plus importantes communautés de réfugiés, et en tant que tel ils méritent le soutien international. L’aide additionnelle devrait prendre en compte le souci sécuritaire des Kenyans bien compréhensible, mais cette directive rigide comporte des risques majeurs: outre les violations des droits humains, elle risque d’empêcher les réfugiés de contribuer à la vie de leurs nouvelles communautés. En fin de compte, une population réfugiée vivant dans l’insécurité n’apporte rien de bien à personne.

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