We would like to reproduce an article by James Stapelton, International
coordinator at the Jesuit Refugee Service and Professor of Human Rights
published in June 2014 on the situation of urban refugees in Kenya
(see also our previous post on the same topic: Unlawful Refugees' transfer to violate human rights dating 22/01/2013).
The right to work and live a decent life of self- sufficient urban
refugees is again at stake in Kenya...
JRS | KENYA: DES DÉCADES D’INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS MISES À MAL, publié le 20 août 2014
Article de James Stapleton, Coordinateur International de la
Communication au sein du Service Jésuite des Réfugiés, et Professeur en Droits
Humains au Centre John Felice de l’Université Loyola de Chicago, publié le 20
juin 2014 sur le site du JRS. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du
JRS.
Imaginez
qu’un matin en ouvrant le journal vous découvriez une histoire vous disant que
vous devez emménager dans un camp de réfugiés. Après avoir fui votre maison et
lutté pendant des années pour gagner votre vie au Kenya – apprendre la langue
locale, intégrer le système éducatif – vous êtes à nouveau déplacé. Et cette
fois-ci dans un lieu qui se trouve à 800 km en plein désert. Ceci s’est passé
non pas une mais deux fois au cours des dix-huit derniers mois.
La
première directive du gouvernement kenyan issue en décembre 2012 qui ordonnait à
tous les réfugiés urbains de vivre dans des camps, a surpris tout le monde. Ce
pays qui accueille l’une des plus importantes communautés réfugiées du monde, a
opté pour une approche relativement flexible en matière de politique relative
aux camps.
La
spirale des descentes de police, suivie l’an dernier par une décision de la
Haute Cour annulant la directive, puis une autre directive issue à la fin du
mois de mars de cette année, suivie elle-même par un seconde procédure d’appel
de la Haute Cour, manifeste clairement le caractère imprévisible de la nouvelle
politique. L’avenir des réfugiés devient lui-aussi imprévisible. Etant dans l’incapacité
de renouveler leurs papiers, ils se trouvent dans une zone juridique «grise».
Les
réfugiés fuient leurs pays à la recherche d’un lieu où ils pourront s’installer.
La perspective de se trouver à nouveau déracinés est terrifiante.
Et
pourtant, le gouvernement a été on ne peut plus clair ! C’est une partie des 55’000
réfugiés vivant en zones urbaines qui est considérée comme une menace pour la sécurité
nationale.
«Pour raison
de sécurité dans nos zones urbaines… les réfugiés vivant à l’extérieur
des camps de réfugiés de Kakuma et de Dadaab sont priés de retourner immédiatement
dans leurs camps respectifs. Aucun autre camp n’est concerné à l’extérieur de
cette zone. Tout réfugié refusant de se conformer à cette directive tombera
sous le coup de la loi. Par voie de conséquence, tous les centres d’enregistrement
des réfugiés situés en zones urbaines … sont présentement fermés.»
Au
cours des dix semaines qui ont suivi la première directive, Human Rights
Watch a fait état de cas de torture, de viols, d’abus et de détention
arbitraire concernant plus de 1000 réfugiés, pour la plupart originaires de
Somalie et d’Ethiopie. La seconde
directive a été nettement plus dure. Près de 4000 personnes ont été
placées en détention, 400 autres ont été expulsées et 2000
autres envoyées dans des camps. Dans les deux cas, des accusations
avérées de violence, de vols et d’extorsion à l’encontre des réfugiés ont été
portées contre la police.
L’activisme
Les
réseaux kenyans d’ONG ont intensifié leurs services de surveillance dans les
principales zones urbaines. Le personnel, en étroite collaboration avec les
leaders communautaires, se rend dans les commissariats de police pour faire libérer
les réfugiés sans avoir à payer de pots de vin.
Une
action juridique est à nouveau entreprise pour bloquer la mise en œuvre de la
directive, même si rien n’est sûr quant à la durée. La dernière fois, l’ONG
locale, Kituo Cha Sheria, en collaboration avec sept autres co-requérants, a réussi
à démontrer que la directive allait à l’encontre de la Constitution kenyane et
des conventions internationales sur les réfugiés. La politique n’avait pas pris
en compte les diverses catégories de réfugiés résidant dans les zones urbaines.
Les
co-requérants avaient tous habité Nairobi pendant quelques années, étaient
auto-suffisants sur le plan économique et fortement enracinés dans le pays. Un
groupe hétérogène composé de professionnels, d’hommes d’affaires et d’étudiants.
Tous ayant des raisons différentes pour ne pas aller dans les camps. Certains
craignaient la persécution, tandis que d’autres voulaient protéger leur
gagne-pain ou garantir l’accès à l’éducation ou à des soins spécialisés
Tous
avaient conscience de la situation dans les camps de Kakuma et de Dadaab:
climat oppressant, surpopulation, carences en matière de services et d’opportunités
d’emploi, insécurité, plus particulièrement pour les femmes et les fillettes.
La
Haute Cour s’est déclarée en faveur de la situation présentée par Kituo. Une
sorte de compromis ayant été trouvé, par exemple des critères clairs sur fond d’exception
pouvant conduire à une atténuation du mouvement de réfugiés. Au lieu de
chercher une voie moyenne, le gouvernement a publié une seconde directive.
Cette
fois-ci, la situation est relayée par neuf hommes d’affaires somaliens qui
représentent un groupe de 500 de leurs compatriotes réfugiés à Nairobi. Une
fois de plus, ils ont démontré que leurs situations spécifiques n’avaient pas été
prises en compte avant la publication de la directive. En dépit du fait qu’une
injonction de la Cour a temporairement suspendu les expulsions
jusqu’à un jugement définitif, les expulsions vers la Somalie et les réinstallations
dans des camps ont continué. Le gouvernement semblant décidé à aller de l’avant,
dans une approche uniforme.
Les
cibles involontaires
Les
Somaliens, qui représentent près de quatre-vingt pour cent des réfugiés vivant
au Kenya, sont les plus touchés. Plutôt que d’aller dans les camps, on pense
que 100’000
Somaliens sont rentrés chez eux. En dépit de l’insécurité dénoncée
par le HCR, cette situation pourrait se reproduire.
Ceci
dit, les réfugiés de toutes les communautés sont affectés. Un grand nombre d’entre
eux a été forcé d’arrêter de travailler et même de fermer les entreprises. Les
ONG fournissant les services ne savent pas trop comment réagir. La dernière
fois, de nombreux donateurs ont considérablement réduit leurs dons, de peur que
la fourniture de services aux réfugiés ne puisse pas durer.
Les
opportunités en matière d’éducation et de soins destinées aux réfugiés ont
encore diminué. En décembre 2012, plus de 7000 enfants étaient inscrits dans
les écoles primaires de Nairobi soutenues par le Service Jésuite des Réfugiés,
quelques mois plus tard, ils n’étaient plus que 4000.
Même
si plus tard, les effectifs ont augmenté, la baisse demeure évidente. Quelque
deux cents mineurs ont été séparés de leurs parents ou de leurs tuteurs qui se
sont cachés ou qui ont été envoyés dans les camps. Les familles vivent, à juste
titre, dans la peur. Nul ne sait ce qu’il adviendra de ces enfants; au mieux
ils perdront de précieuses années de scolarité.
Aller
de l’avant
Sans
parler des craintes exprimées par la Cour, il reste à expliquer comme le
gouvernement va gérer l’hébergement des réfugiés urbains dans les camps
existants. Les deux
camps, Dadaab et Kakuma, qui hébergent déjà quelque 550’000 réfugiés,
sont surpeuplés et manquent de financement. Le financement n’a pas suivi les
besoins, vu que le nombre d’arrivées a quasiment doublé depuis 2008.
Avec l’augmentation
rapide du nombre de réfugiés arrivant à Kakuma, il y a des besoins
urgents à assurer en matière d’espace, d’infrastructures, de services et avant
toute chose de protection. Etant donné le fait que la directive condamne un
certain nombre de réfugiés économiquement auto-suffisants à dépendre de l’aide
humanitaire, il risque d’être plus difficile de trouver des donateurs
internationaux.
Bien
que les politiciens kenyans semblent décidés à rapatrier les réfugiés
somaliens, avec l’insécurité qui règne dans leur pays et l’engagement au retour volontaire,
les rapatriements de masse ne sont pas à l’ordre du jour. Les
alternatives n’ont rien de réjouissant: augmentation du nombre des réfugiés
vivant dans des camps en déliquescence ou intégration locale dans des zones
urbaines.
Comme
le montre bien la situation portée devant la Haute Cour, les réfugiés
contribuent de manière positive à la société kenyane. Mais les expériences récentes
ont amené un grand nombre à prendre conscience de la fragilité de leur
situation. Nous avons tous besoin de sécurité et de stabilité. Comment s’intégrer
dans une société qui n’offre aucune garantie pour votre avenir?
Les Kenyans
accueillent généreusement l’une des plus importantes communautés de réfugiés,
et en tant que tel ils méritent le soutien international. L’aide additionnelle
devrait prendre en compte le souci sécuritaire des Kenyans bien compréhensible,
mais cette directive rigide comporte des risques majeurs: outre les violations
des droits humains, elle risque d’empêcher les réfugiés de contribuer à la vie
de leurs nouvelles communautés. En fin de compte, une population réfugiée
vivant dans l’insécurité n’apporte rien de bien à personne.
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